Une fantaisie du docteur Ox - Jules Verne - ebook

Une fantaisie du docteur Ox ebook

Jules Verne

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Opis

Le scientifique-physiologiste Ox arrive à Kikandon, en Flandre occidentale, avec son assistant. Comme il l’a dit, son objectif est d’illuminer complètement la ville avec du gaz oxhydrique émis par l’air. Seulement, personne ne savait si c’était vrai. Bientôt, dans une ville paisible et non pressée, des choses étranges ont commencé à se produire, se transformant en une „épidémie”.

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Jules Verne

Une fantaisie du docteur Ox

Varsovie 2019

Table des matières

Comme quoi il est inutile de chercher, même sur les meilleures cartes, la petite ville de Quiquendone

Où le bourgmestre van Tricasse et le conseiller Niklausse s’entretiennent des affaires de la ville

Où le commissaire Passauf fait une entrée aussi bruyante qu’inattendue

Où le docteur Ox se révèle comme un physiologiste de premier ordre et un audacieux expérimentateur

Où le bourgmestre et le conseiller vont faire une visite au docteur Ox, et ce qui s’ensuit

Où Frantz Niklausse et Suzel van Tricasse forment quelques projets d’avenir

Où les andante deviennent des allegro et les allegro des vivace

Où l’antique et solennelle valse allemande se change en tourbillon

Où le docteur Ox et son préparateur Ygène ne se disent que quelques mots

Dans lequel on verra que l’épidémie envahit la ville entière et quel effet elle produisit

Où les Quiquendoniens prennent une résolution héroïque

Dans lequel le préparateur Ygène émet un avis raisonnable, qui est repoussé avec vivacité par le docteur Ox

Où il est prouvé une fois de plus que d’un lieu élevé on domine toutes les petitesses humaines

Où les choses sont poussées si loin que les habitants de Quiquendone, les lecteurs et même l’auteur réclament un dénoûment immédiat

Où le dénoûment éclate

Où le lecteur intelligent voit bien qu’il avait deviné juste, malgré toutes les précautions de l’auteur

Où s’explique la théorie du docteur Ox

I

Comme quoi il est inutile de chercher, même sur les meilleures cartes, la petite ville de Quiquendone.

Si vous cherchez sur une carte des Flandres, ancienne ou moderne, la petite ville de Quiquendone, il est probable que vous ne l’y trouverez pas. Quiquendone est-elle donc une cité disparue ? Non. Une ville à venir ? Pas davantage. Elle existe, en dépit des géographies, et cela depuis huit à neuf cents ans. Elle compte même deux mille trois cent quatre-vingt-treize âmes, en admettant une âme par chaque habitant. Elle est située à treize kilomètres et demi dans le nord-ouest d’Audenarde et à quinze kilomètres un quart dans le sud-est de Bruges, en pleine Flandre. Le Vaar, petit affluent de l’Escaut, passe sous ses trois ponts, encore recouverts d’une antique toiture du moyen âge, comme à Tournay. On y admire un vieux château, dont la première pierre fut posée, en 1197, par le comte Baudouin, futur empereur de Constantinople, et un hôtel de ville à demi-fenêtres gothiques, couronné d’un chapelet de créneaux, que domine un beffroi à tourelles, élevé de trois cent cinquante-sept pieds au-dessus du sol. On y entend, à chaque heure, un carillon de cinq octaves, véritable piano aérien, dont la renommée surpasse celle du célèbre carillon de Bruges. Les étrangers – s’il en est jamais venu à Quiquendone – ne quittent point cette curieuse ville sans avoir visité sa salle des stathouders, ornée du portrait en pied de Guillaume de Nassau par Brandon ; le jubé de l’église Saint-Magloire, chef-d’œuvre de l’architecture du XVI siècle ; le puits en fer forgé qui se creuse au milieu de la grande place Saint-Ernuph, dont l’admirable ornementation est due au peintre-forgeron Quentin Metsys ; le tombeau élevé autrefois à Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire, qui repose maintenant dans l’église de Notre-Dame de Bruges, etc. Enfin, Quiquendone a pour principale industrie la fabrication des crèmes fouettées et des sucres d’orge sur une grande échelle. Elle est administrée de père en fils depuis plusieurs siècles par la famille van Tricasse ! Et pourtant Quiquendone ne figure pas sur la carte des Flandres ! Est-ce oubli des géographes, est-ce omission volontaire ? C’est ce que je ne puis vous dire ; mais Quiquendone existe bien réellement avec ses rues étroites, son enceinte fortifiée, ses maisons espagnoles, sa halle et son bourgmestre, – à telles enseignes qu’elle a été récemment le théâtre de phénomènes surprenants, extraordinaires, invraisemblables autant que véridiques, et qui vont être fidèlement rapportés dans le présent récit.

Certes, il n’y a aucun mal à dire ni à penser des Flamands de la Flandre occidentale. Ce sont des gens de bien, sages, parcimonieux, sociables, d’humeur égale, hospitaliers, peut-être un peu lourds par le langage et l’esprit ; mais cela n’explique pas pourquoi l’une des plus intéressantes villes de leur territoire en est encore à figurer dans la cartographie moderne.

Cette omission est certainement regrettable. Si encore l’histoire, ou à défaut de l’histoire les chroniques, ou à défaut des chroniques la tradition du pays, faisaient mention de Quiquendone ! Mais non, ni les atlas, ni les guides, ni les itinéraires n’en parlent. M. Joanne lui-même, le perspicace dénicheur de bourgades, n’en dit pas un mot. On conçoit combien ce silence doit nuire au commerce, à l’industrie de cette ville. Mais nous nous hâterons d’ajouter que Quiquendone n’a ni industrie ni commerce, et qu’elle s’en passe le mieux du monde. Ses sucres d’orge et ses crèmes fouettées, elle les consomme sur place et ne les exporte pas. Enfin les Quiquendoniens n’ont besoin de personne. Leurs désirs sont restreints, leur existence est modeste ; ils sont calmes, modérés, froids, flegmatiques, en un mot « Flamands », comme il s’en rencontre encore quelquefois entre l’Escaut et la mer du Nord.

II

Où le bourgmestre van Tricasse et le conseiller Niklausse s’entretiennent des affaires de la ville.

« Vous croyez ? demanda le bourgmestre.

– Je le crois, répondit le conseiller, après quelques minutes de silence.

– C’est qu’il ne faut point agir à la légère, reprit le bourgmestre.

– Voilà dix ans que nous causons de cette affaire si grave, répliqua le conseiller Niklausse, et je vous avoue, mon digne van Tricasse, que je ne puis prendre encore sur moi de me décider.

– Je comprends votre hésitation, reprit le bourgmestre, qui ne parla qu’après un bon quart d’heure de réflexion, je comprends votre hésitation et je la partage. Nous ferons sagement de ne rien décider avant un plus ample examen de la question.

– Il est certain, répondit Niklausse, que cette place de commissaire civil est inutile dans une ville aussi paisible que Quiquendone.

– Notre prédécesseur, répondit van Tricasse d’un ton grave, notre prédécesseur ne disait jamais, n’aurait jamais osé dire qu’une chose est certaine. Toute affirmation est sujette à des retours désagréables. »

Le conseiller hocha la tête en signe d’assentiment, puis il demeura silencieux une demi-heure environ. Après ce laps de temps, pendant lequel le conseiller et le bourgmestre ne remuèrent pas même un doigt, Niklausse demanda à van Tricasse si son prédécesseur – il y avait quelque vingt ans – n’avait pas eu comme lui la pensée de supprimer cette place de commissaire civil, qui, chaque année, grevait la ville de Quiquendone d’une somme de treize cent soixante-quinze francs et des centimes.

« En effet, répondit le bourgmestre, qui porta avec une majestueuse lenteur sa main à son front limpide, en effet ; mais ce digne homme est mort avant d’avoir osé prendre une détermination, ni à cet égard, ni à l’égard d’aucune autre mesure administrative. C’était un sage. Pourquoi ne ferais-je pas comme lui ? »

Le conseiller Niklausse eût été incapable d’imaginer une raison qui pût contredire l’opinion du bourgmestre.

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